L’invasion russe de l’Ukraine, qui a débuté le 24 février, outre le triste nombre de victimes humaines, a commencé à causer des dégâts économiques dans le monde entier et à accentuer les problèmes déjà existants.

RussieAvant la guerre, elle était la 13e économie mondiale en termes de PIB. Ses exportations représentent 1,9% du total et le placent au 16ème rang des pays exportateurs en 2020. Celles-ci sont constituées essentiellement de matières premières et de produits énergétiques :

Principales exportations russes Poids dans les exportations mondiales en pourcentage Poids dans les exportations russes totales
Produits d'armes 14.2 % 13 %
Engrais fabriqués 12,5 % 20 %
Briquettes /Coke/ Charbon 11.6 % 4 %
Pétrole et produits dérivés 10.9 % 45,5 %
Gaz naturel et manufacturé 8.7 % 6.8 %
Liège et bois 8.4 % 1.5 %
Métaux non-ferreuxOui 5.3 % 4.4 %
Céréales 5.2 % 2.0%
Fer et acier 4.7 % 4.5 %
Minéraux métalliques/déchets métalliques 1.7 % 1.5 %

Source : Solution de commerce intégré mondial

Ukraine En revanche, elle était la 61e économie si on la mesure par son PIB. Ses exportations sont plus variées, même si les plus importantes sont les céréales et le fer/acier. Ses exportations totales représentent 0,3% dans le monde et la placent en 48ème position.

Principales exportations ukrainiennes Poids dans les exportations mondiales en pourcentage Poids dans les exportations ukrainiennes totales
Les huiles végétales 6.7 % 9.3 %
Céréales 6.0% 20 %
Graines oléagineuses et fruitières 3.1 % 5 %
Fer et acier 2.3 % 18,8 %
L'alimentation animale 1.8 % 3 %
Minéraux et déchets métalliques 1.1 % 8.3 %
Viande et dérivés 0,5 % 1.4 %
Matériel ferroviaire 0,2 % 1.5 %
Équipement électrique 0.1 % 4.8 %
Équipement industriel 0.1 % 1.4 %

Source : Solutions commerciales mondiales intégrées

Quant à les effets, nous devons faire une distinction entre les pays dépendants des importations d’énergie et de céréales et ceux qui sont exportateurs de l’une ou des deux catégories.

Le Maroc fait partie de la première catégorie puisqu'il importe 90% de son énergie et jusqu'à 50% de sa consommation de céréales. Dans le cas du pétrole (rubrique 27.10), le pays ne dispose pas de raffinerie active et l'importe d'Espagne (1,7 million de tonnes en 2019), d'Arabie Saoudite (1,18 mT), des États-Unis (1 mT), d'Italie (0,78 mT). et Inde (0,76 mT). Concernant le gaz, il provenait majoritairement d’Algérie jusqu’à la fermeture du gazoduc en octobre 2021. Le Maroc pourrait souffrir de la hausse des prix de marché des deux produits mais pas de sa dépendance à l’égard de la Russie. Cependant, le Maroc pourrait avoir davantage de difficultés avec le charbon. En 2017, la part de marché de la Fédération de Russie était de 51% et en 2018 de 46%. En 2018, les États-Unis ont dépassé la Russie en importance grâce à des prix plus compétitifs, cette tendance ne fera donc que s'accentuer. Cependant, cela reste d’une grande importance. D’autres pays dépendants de l’énergie subiront également ces hausses des prix du gaz et du pétrole.

Concernant les céréales, le Maroc a importé des céréales ukrainiennes pour une valeur de 231,8 millions d'euros en 2020. Il est son quatrième fournisseur de ce bien et la Russie le septième (100 millions d'euros en 2020).

Ce sont précisément les pays d’Afrique du Nord (Maroc, Algérie, Libye, Tunisie et Égypte) qui sont les plus gros acheteurs de céréales ukrainiennes sur ce continent. Concrètement, l'Egypte est le 2ème importateur mondial de céréales ukrainiennes après la Chine (les céréales de Russie et d'Ukraine représentent 59% du total), la Tunisie est le 7ème (312 millions d'euros en 2020 et ce qui correspond à 42% d'importations de ce bien). de Tunisie), la Libye est 10ème (238 millions d'euros et ce qui représente 48% de la valeur de ses importations céréalières), le Maroc est 12ème et l'Algérie est 18ème (l'Ukraine est son cinquième fournisseur mais ne représente que 5,6% du total). La Libye, la Tunisie et l'Égypte sont confrontées à des problèmes d'approvisionnement alors qu'elles recherchent de nouveaux fournisseurs et augmentent leur production nationale.

C’est précisément ce dernier pays, l’Égypte, qui reçoit chaque année des centaines de milliers de touristes russes et ukrainiens dans ses hôtels de la mer Rouge. Ce secteur sera affecté par l’incapacité de beaucoup de personnes à prendre l’avion et par la perte de pouvoir d’achat.

L’importation d’huiles végétales en provenance d’Ukraine sera également affectée. Les pays africains qui ont le plus acquis ce bien en 2020 sont l’Egypte, le Soudan, la Libye, le Sénégal, Djibouti, le Ghana, l’Algérie et le Maroc.

L’Ukraine et la Russie sont deux destinations prisées des jeunes Africains souhaitant poursuivre des études universitaires. Il s'agit principalement d'études dans le domaine de la santé et sont réalisées pour la plupart en ukrainien et en russe. Il y a actuellement un débat sur ce qu'il faut faire de ces étudiants et s'il serait possible de valider les matières qu'ils ont réussi et de les admettre dans les universités de leur pays d'origine. Cela semble difficile puisque le programme est différent, tout comme la langue d'enseignement. On estime qu'il y a plus de 8 000 étudiants marocains en Ukraine.

En revanche, les pays producteurs de gaz et de pétrole bénéficieront de la hausse de leurs prix. Sans aucun doute, l’un des pays qui peuvent bénéficier le plus de cette situation est l’Algérie en raison de sa position stratégique. Il existe 3 gazoducs qui vont vers l’Europe, dont 2 sont actifs. L'italien Transmed (qui passe par la Tunisie) et celui à destination de l'Espagne Medgaz. L’Algérie a le pouvoir de devenir un partenaire privilégié de l’Union européenne et de réduire sa dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie. La Libye, en raison de sa position géographique et de ses réserves, pourrait également subir le même sort.

D'autres pays producteurs de pétrole et de gaz comme le Nigeria, l'Angola, la Guinée équatoriale ou la Guinée bénéficieront économiquement de la hausse des prix au niveau des revenus et pourraient augmenter leurs chiffres de ventes sur le vieux continent.

Comme conclusion, de nombreux pays et gouvernements africains se trouvaient dans une situation complexe avant l’invasion en raison des effets de la pandémie. Le ralentissement économique, l’augmentation du chômage, de l’inflation, des prix, des coûts logistiques et des délais de transport ou encore la réduction du tourisme sont quelques exemples de ses dommages collatéraux. Cette pénurie de certains produits et la hausse des prix du carburant et des produits provoquée par la guerre en Ukraine ne feront que rendre la situation encore plus tendue. Les pays les plus touchés seront a priori ceux d'Afrique du Nord : Tunisie, Egypte ou Maroc.

Source : Jorge Lois, consultant et analyste de marché chez Indegate Consulting