La singularité du Maroc par rapport aux mondes dans lesquels il évolue a été construite tout au long de son histoire, dans l'union des Marocains autour des principes qui les lient et de leur attachement à l'indépendance de leur pays, ainsi que dans leur fine perméabilité aux interactions, échanges et influences de ces mondes qui l'entourent.

Par Sidi Mohammed Biedallah, diplomate marocain.

Enveloppé par le majestueux Atlas, entouré par la mer Méditerranée, l'océan Atlantique et le Sahara - cette "autre Méditerranée" (Fernand Braudel) - le Maroc ; Ce "Finis Orbis" est entouré de mythes et de légendes : Pays d'Atlas, condamné par Zeus à porter sur ses épaules la voûte céleste ; Pays des colonnes d'Hercule, qu'il a séparées d'un coup d'épée et créé le détroit (de Gibraltar) ; Pays des trois Gorgones, monstres solitaires, et Pays des Atlantes, descendants directs de Poséidon, que Zeus a punis pour leur cupidité en faisant sombrer leur île, l'Atlantide.

Décrié par Strabon dans sa "Géographie", qui qualifie le Maroc de "point de communication entre la Méditerranée et l'océan", et Ibn Khaldoun, qui décrit dans son "Histoire des Berbères" Al Maghrib Al Aqsa comme un "pays détaché de tout autre", l'originalité du Maroc explique l'inaltérabilité de sa souveraineté sur son territoire et l'authenticité de son système de gouvernement. Le Maroc a été depuis la préhistoire une "unité géoculturelle spécifique".

Cet article a pour objectif de revisiter certaines des péripéties fondatrices de l'histoire du Maroc, qui lui ont permis de se reconnaître et d'être reconnu à l'intérieur de ses frontières, reflétées sur sa carte géographique complète, de Tanger à Lagouira, que la délimitation coloniale, nulle et sans valeur, ne peut altérer.

Maroc, Royaume des Maures.

Berceau de l'humanité, où vécut l'Homo sapiens de Jebel Irhoud il y a 300 000 ans, le Maroc émerge de la préhistoire, marqué par une population autochtone, les Maures (Maurensii en grec, Mauri en latin), descendants des Imazighens libyens (les Libu, dont le territoire s'étendait de l'Atlantique jusqu'à l'Égypte pharaonique), maîtres de leur territoire.

Les Maures, et le monde connu dont ils faisaient partie, ont pris conscience de leur appartenance à un territoire bien défini, la Maurétanie Tingitane - dans l'Antiquité romaine -, délimitée à l'est par la Maurétanie Césarienne, et baignée par les "océans" méditerranéen (la mer intérieure), atlantique (la mer extérieure) et saharien (le Sahara).

Voyage de Hannon.

Hannon, amiral de Carthage, entreprit au IVe siècle av. J.-C. son voyage à la tête d'une expédition de 60 pentécontères, équipées de 50 rames et manœuvrées par 3 000 rameurs, transportant 30 000 femmes et hommes, depuis les Colonnes d'Hercule (Tingis, Tanger) jusqu'à l'île de Cerne ou Herne (Río de Oro, actuellement Dakhla), afin de fonder des cités libyo-phéniciennes.

Afin d'explorer les confins du sud du Maroc, le navigateur Hannon a dû emmener, lors de son expédition maritime, des "interprètes du nord" pour pouvoir communiquer avec les populations du sud du Maroc.

L'amiral Hannon arriva à la rivière Draa, qui serait la rivière Lixos du Périplo. Plus loin, le fleuve Chrétès, qui serait le Seguiet el-Hamra. Après avoir traversé le désert, il trouva une petite île qu'il appela Cerne et qu'il plaça à la même distance des Colonnes d'Hercule que Carthage.

L'identification de l'ancienne Cerne avec l'île Herne dans la baie de Río de Oro (baie de Dakhla) est confirmée par la toponymie. Le Río de Oro (à l'est) est fréquemment mentionné à sa place sur les cartes à partir de 1460.

Voyage de Polybe.

L'auteur des Histoires et haut fonctionnaire de l'Empire romain, Polybe (200-120 av. J.-C.), entreprit en l'an 146 av. J.-C., à la fin de la troisième guerre punique qui mit fin au règne de Carthage, son voyage le long de la côte atlantique de la Tingitane, dans le cadre de la politique romaine de contrôle direct des routes maritimes atlantiques du Maroc, y compris celles du sud, comme l'avaient fait les Phéniciens puis les Carthaginois.

En effet, Polybe le reflète dans son œuvre, « de nos jours, à la lumière des (conquêtes) de l'Empire d'Alexandre en Asie et de la domination romaine sur les parties restantes du monde, presque tout le monde est devenu navigable ou praticable (…) Pour cette raison, nous devrions connaître mieux et de manière plus précise ce qui était jusqu'à présent inconnu (…) C'est dans cet objectif, avant tout, que nous avons supporté les dangers et les fatigues rencontrés lors d'un voyage à travers la Libye (pré-antique), la péninsule ibérique, et également la Gaule et la mer qui entoure ces pays depuis l'extérieur ».

En général, indépendamment des controverses sur les interprétations des voyages anciens dans l'Atlantique, certains plaidant pour des routes courtes, d'autres pour des routes plus longues, il est admis que lors de son expédition le long de la façade atlantique marocaine, Polybe atteignit le cap Juby (Hesperu Ceras), et très probablement, Seguia el-Hamra ou Río de Oro.

Voyage du roi Juba II.

Le roi Juba II entreprit, depuis son accession au pouvoir entre 25 av. J.-C. et le 13/7 av. J.-C., une expédition maritime au-delà de l'Atlas, vers l'extrême sud-ouest de la Tingitane, dans le but d'exercer un contrôle direct sur les routes.

Source de l'article : h24info