Un nouveau rapport sur la mobilité met en lumière les défis liés à l'urbanisation galopante du continent. Et ce faisant, cela illustre l’immensité des efforts qui doivent être déployés pour y faire face.
Dans « Construire les villes durables de demain », l'Africa CEO Forum (ACF) et le cabinet de conseil Okan Partners abordent l'une des plus grandes énigmes auxquelles sont confrontés les pouvoirs publics, ainsi que les populations africaines : la mobilité urbaine.
Il explore plusieurs défis clés auxquels est confronté le continent, qui accueillera 900 millions de nouveaux citadins sur une période de trente ans (voir graphique ci-dessous). Cela représente une fois et demie son nombre actuel et une augmentation de plus du double de celle enregistrée entre 1990 et 2020.
Pertes de productivité dues aux embouteillages
La croissance vertigineuse de la population urbaine africaine au cours des trois dernières décennies a déjà créé un tourbillon de difficultés. Comme le souligne le rapport ACF-Okan, même si le continent ne compte en moyenne que 42 voitures pour 1 000 habitants, contre 176 en Amérique latine, il abrite certaines des villes où les taux de congestion urbaine sont les plus élevés au monde. L'étude indique qu'au Ghana, les pertes de productivité dues aux embouteillages représentent jusqu'à 8% du PIB. Cette situation pourrait s'aggraver à l'avenir, car le nombre de voitures devrait doubler, voire décupler, en Afrique d'ici 2050, prévient le rapport.
Plus problématique encore, seuls 5% des déplacements urbains quotidiens en Afrique sont effectués par les « transports publics institutionnels » (métros, tramways, etc.), contre 10-20% en Amérique latine et plus de 40% en Europe de l’Est.
Jusqu’à 40% du budget transport
Tous ces facteurs expliquent pourquoi, proportionnellement au revenu familial, le transport urbain en Afrique coûte 40% de plus que dans le reste du monde.
Répondre aux besoins actuels en infrastructures urbaines est déjà une tâche extrêmement difficile. Les États africains fournissent déjà la moitié des investissements nécessaires (45 à 50 milliards de dollars), mais le déficit de financement est estimé entre 30 et 40 milliards de dollars, selon l'étude.
La situation ne s’améliorera guère sans une métamorphose massive de l’écosystème, alors que la demande de transports urbains d’ici 2050 est estimée à plus de 6 500 milliards de passagers-kilomètres en Afrique subsaharienne. Cela représente 2,5 fois la demande de l’Union européenne à l’époque.
Pour répondre aux « défis majeurs issus de ces dynamiques structurantes », le rapport propose six recommandations, couvrant à la fois les phases de planification et de financement, l'usage des nouvelles technologies et la question de la « durabilité » des projets, de l'impact social et de la utilisation rationnelle des structures existantes.
Équilibre des pouvoirs
Un aspect clé aurait pu nécessiter une attention plus soutenue : l’économie politique, c’est-à-dire les relations de pouvoir économique entre les différents acteurs de l’écosystème des transports sur le continent. « Les prix élevés des transports en Afrique sont dus aux monopoles existants dans le secteur », avertissait Shanta Devarajan, ancienne économiste en chef pour la région Afrique de la Banque mondiale, en octobre 2019.
L'influence et le pouvoir de nuisance (grèves, blocages, etc.) des réseaux de grands propriétaires de minibus (« Gbaka ») à Abidjan n'échappent pas aux difficultés de réforme de ce secteur et de développement d'une offre publique valable. Et ce malgré le coût élevé que ces transporteurs informels facturent aux populations. Selon le rapport, les ménages les plus pauvres d'Abidjan consacrent jusqu'à 40% de leur budget quotidien au transport.
Les transferts de population nécessaires au développement des infrastructures de transport sont à la fois source de coûts et de retards supplémentaires, mais aussi de tensions sociales parfois difficiles à contenir, alors que, comme le souligne le rapport, la moitié de la population urbaine du continent vit dans des bidonvilles. les villes. Les difficultés d'aménagement du sixième pont de la capitale économique ivoirienne et du métro d'Abidjan par exemple, mais aussi celles rencontrées dans la seconde moitié des années 2010 lors de la création du TER de Dakar, illustrent ce défi.
Temps politique et économique
Enfin, le rapport estime que le financement de ces infrastructures devrait être "principalement couvert par des capitaux publics pour garantir l'équilibre économique des projets". Il postule que « la réévaluation des terres offrira la possibilité de bénéfices à plus long terme pour les États et les communautés locales ».
Mais ces bénéfices sont susceptibles de se manifester bien après que les responsables qui ont ordonné ces investissements aient eu l’opportunité d’en bénéficier. Comment « actualiser » les bénéfices de ces investissements et ainsi inciter les décideurs publics à les réaliser est un point clé du problème.
Le « facteur temps » – à la fois politique et économique – est important dans les calculs qui déterminent si ces infrastructures seront construites. Malheureusement, le temps est précisément ce qui manque le plus aux villes africaines.
Source : JeuneAfrique